Role Of Seedbanks In The Restoration Of Tallgrass Prairie (Manitoba) (2003)
(Rôle des banques de semences dans la restauration de la prairie à herbes hautes du Manitoba)

Par Julie Sveinson et Stéphane McLachlan

Références


Julie Sveinson a obtenu sa maîtrise en sciences botaniques de l’Université du Manitoba en 2003. Elle a concentré ses recherches sur la restauration de l’habitat, surtout sur la restauration de la prairie d’herbes hautes. Depuis 2002, elle s’occupe de la gestion des aires naturelles et de l’éducation en matière d’environnement à la Direction de la conservation de la nature de la ville de Winnipeg. À titre de coordonnatrice de l’enseignement de la remise en végétation, Julie a œuvré avec de nombreux groupes de gérance bénévoles à la restauration et à la mise en valeur des aires naturelles de Winnipeg.

Le Dr Stéphane McLachlan est un professeur agrégé au département de l’environnement et de la géographie de l’Université du Manitoba. Il cherche toujours à s’associer avec des étudiants du premier cycle ou avec des diplômés motivés et à l’esprit altruiste, ainsi qu’avec des travailleurs postdoctoraux qui s’intéressent à la conservation de l’environnement, à la restauration écologique et à l’interface entre les systèmes humains et les systèmes biophysiques.

La plupart des zones restaurées de prairie à herbes hautes du Manitoba sont des habitats construits. Bien que les chances de succès de la restauration d’habitats naturels existants mais dégradés soient très élevées (McDonald, 2000), nous disposons de peu de données sur la restauration de la prairie à herbes hautes dans notre région. Depuis 1999, nous étudions les effets de divers traitements, dont la fertilisation, la perturbation et l’ensemencement, sur une terre de 4 acres (1,6 hectares) ayant déjà servi à l’agriculture (Sveinson, 2003), située dans la Réserve écologique de la prairie des herbes hautes manitobaines du sud-est du Manitoba (photo 1). Dans cet article, nous présentons l’un des volets de notre étude qui visait à examiner l’usage éventuel d’un herbicide à base de glyphosate pour faire germer les semences indigènes de terres dégradées.

Avant le traitement, la terre à l’étude était principalement couverte d’espèces de graminées non indigènes, telles que l’agrostis stolonifère (Agrostis stolonifera), la fléole des prés (Phleum pratensis), le pâturin comprimé (Poa compressa) et le brome inerme (Bromus inermis). Des espèces indigènes, telles que le barbon de Gérard (Andropogon gerardii), le carex granuleux (Carex granularis) et la verge d’or rigide (Solidago rigida), ont aussi été recensées mais en quantité moindre. Quatre parcelles de 48 sur 32 m devant faire l’objet de quatre applications d’herbicide identiques ont été délimitées, de même qu’un nombre équivalent de parcelles témoins non traitées. À l’origine, nous souhaitions comparer une méthode de restauration classique (travail du sol et épandage d’herbicide) à l’ensemencement sous couvert. Toutefois, une population non documentée de spiranthe des grandes plaines (Spiranthes magnicamporum), une plante menacée, a fait surface trois jours après l’application de l’herbicide, empêchant ainsi le recours ultérieur à tout traitement mécanique ou chimique.

Des échantillons ont été prélevés dans la couverture végétale (toutes espèces confondues) de quatre quadrats permanents d’un mètre sur un mètre délimités dans chacune des parcelles traitées. Des échantillons ont également été recueillis dans quatre parcelles établies dans un site témoin avoisinant (photo 2), qui a permis de cerner tout changement dans la végétation à la suite du traitement. Pour évaluer la composition de la banque de semences, quatre échantillons de sol ont été recueillis dans chacune des parcelles traitées et témoins. Ces échantillons ont été combinés, en proportions égales, à un mélange stérile (Sunshine Mix 4 Aggregate Plus), puis placés dans une serre, dans des pots mesurant 4 po sur 6 po sur 3 po (10 cm sur 15 cm sur 8 cm). Les semis ont été identifiés et retirés à mesure qu’ils sortaient de terre. Lorsque la banque de semences a été épuisée, les échantillons ont subi une stratification à froid à 36 °F (2 °C) pendant six semaines, opération qui a été répétée une fois. Il a été observé que la banque de semences de la prairie dégradée était caractérisée par une diversité et une densité beaucoup plus fortes de graminoïdes, tant indigènes qu’étrangères (graminées, carex et joncs), et que la diversité en plantes herbacées non graminoïdes étrangères tendait à être plus élevée. En revanche, la diversité et la densité des plantes herbacées non graminoïdes indigènes étaient considérablement plus fortes dans le site témoin.

Au printemps 2000, on a observé que 80 à 95 % de la végétation de surface était morte dans les parcelles traitées à la suite de l’épandage de glyphosate en août de l’année précédente. La recroissance s’est avérée extrêmement lente, la végétation ne s’étant remise à pousser qu’à la fin d’août 2000. À l’aide de tests t, on a cherché à savoir si le glyphosate avait d’importants effets sur la diversité de la végétation de surface (nombre total d’espèces) et la diversité effective des espèces (réciproque de la mesure de la diversité de Simpson). On a plutôt mesuré cette dernière, la présence d’espèces rares n’ayant relativement peu d’incidence sur elle. Deux ans après le traitement au glyphosate, on a observé une diminution appréciable de la diversité effective tant chez les espèces étrangères qu’indigènes. On a observé une diminution considérable dans la diversité des espèces indigènes alors qu’on a observé aucune différence dans la diversité des espèces étrangères (Sveinson, 2003). Les parcelles traitées au glyphosate et les parcelles non traitées étaient principalement recouvertes d’agrostis stolonifère, de pâturin comprimé et de prunelle commune (Prunella vulgaris) (photo 3), tandis que dans les parcelles témoins, on trouvait surtout des graminoïdes indigènes, tels que le barbon de Gérard (photo 4) et la spartine pectinée (Spartina pectinata) (tableau 1).

La mort de la végétation associée au traitement herbicide a probablement entraîné la reconstitution des colonies d’espèces étrangères qui dominaient les banques de semences et de propagules, tout en favorisant l’établissement d’espèces dispersées par le vent ou d’autres vecteurs (Sveinson, 2003). Les graminoïdes étrangers dont la concentration s’était accrue dans les parcelles traitées, en l’occurrence l’agrostis stolonifère et le pâturin comprimé, ont été trouvés dans la banque de semences. Aucune autre espèce de plante herbacée non graminoïde, comme le chardon des champs (Cirsium arvensis) et la prunelle commune, n’a été trouvée dans la banque de semences. Ces espèces étaient cependant présentes dans des banques de semences de zones avoisinantes et ont donc pu provenir de celles-ci. Les résultats de la présente étude semblent indiquer que les banques de semences peuvent avoir une forte incidence sur les résultats d’un projet de restauration. Pour en augmenter les chances de réussite, il est donc fortement recommandé de caractériser les espèces végétales présentes en surface et dans la banque de semences.

Remerciements

La présente étude a été rendue possible grâce à l’appui du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, de l’Université du Manitoba, de la Fondation canadienne de la faune, du Programme de protection de l'habitat essentiel de la faune, et de Prairie Habitats Inc., au Manitoba. Nous remercions le personnel du laboratoire de conservation de l’environnement de l’Université du Manitoba, les techniciens travaillant sur terrain pendant l’été et les responsables de la Réserve écologique de la prairie des herbes hautes manitobaines pour l’aide qu’ils nous ont fournie sur place.


  1. McDonald, T. 2000. Resilience, recovery and the practice of restoration. Ecological Restoration. 18:10-20.
  2. Sveinson, J. 2003. Restoring tallgrass prairie in southern Manitoba, Canada. Thèse de maîtrise en sciences. Université du Manitoba. Winnipeg, Manitoba, Canada.
  3. SER/ESA 2002

tableau 1. Les cinq principales espèces trouvées dans les parcelles traitées et les parcelles témoins. Les espèces ont été classées en fonction de leur taux de couverture moyen sur des quadrats d’un mètre sur un mètre [citation]

1 - indique que l’espèce n’est pas présente
Ecological Restoration, 2003. 21(1): 43-44 PAGE 4
Nom scientifique Nom commun Glyphosate1 Sans Glyphosate Site témoin
Espèces indigènes
Andropongon gerardii Barbon de Gérard - 6 1
Antennaria neglecta Antennaire négligée 28 5 32
Carex granularis Carex granuleux 2 2 13
Carex spp. Espèce de carex 8 4 4
Eleocharis palustris Éléocharide des marais 5 - 6
Juncus spp. Espèce de jonc 15 18 43
Spartina pectinata Spartine pectinée - - 2
Espèces étrangères
Agrostis stolonifera Agrostis stolonifère 1 3 3
Festuca elatior Fétuque des prés 4 10 -
Poa compressa Pâturin comprimé 7 1 20
Prunella vulgaris Prunelle commune 3 8 5
Parcelle dégradée de prairie à herbes hautes

Plate 1 Parcelle dégradée de prairie à herbes hautes dans la Réserve écologique de la prairie des herbes hautes manitobaines.

Site de référence situé dans la Réserve écologique de la prairie des herbes hautes manitobaines.

Plate 2 Site de référence situé dans la Réserve écologique de la prairie des herbes hautes manitobaines.

Prunelle commune

Plate 3 Prunelle commune (Prunella vulgaris), plante herbacée non graminoïde étrangère.

Barbon de Gérard

Plate 4 Barbon de Gérard (Andropogon gerardii), graminoïde indigène.

SVEINSON, J. et MCLACHLAN, S. Role of Seedbanks in the Restoration of Tallgrass Prairie (Manitoba) dans Ecological Restoration. 21(1)(2003): 43-44.