The Lazy Gardener (2003)
(Le jardinier paresseux)

Par Doug Collicutt


Doug Collicutt est un biologiste et expert-conseil en environnement autonome qui demeure à Winnipeg et passe l’été dans le Whiteshell. Il aime passionnément étudier la biodiversité du Manitoba et sensibiliser les Manitobains et les Manitobaines à leur patrimoine naturel. Son site Web, www.naturenorth.com, est un témoignage de cette passion.

J’aime avoir une belle cour et un beau jardin, mais je déteste le jardinage. Disons plutôt que je déteste le jardinage traditionnel qui nécessite beaucoup d’entretien, beaucoup d’apport, beaucoup de frais et beaucoup de temps. Si le jardinage est votre passe-temps préféré, parfait, mais si, comme moi, vous avez décidé que la vie ne s’arrête pas au jardinage et que vous voulez briser la chaîne qui vous lie à votre cour, peut-être ma petite histoire vous intéressera-t-elle.

Je demeure dans un vieux quartier de Winnipeg et ma cour est plutôt petite, mais avec deux enfants, un chien et une épouse qui poursuit une carrière accaparante, il me reste peu de temps pour gratter le sol et transporter des sacs de déchets de coupe pour les éboueurs. Je ne fais donc plus cela, du moins, plus maintenant. Il y a environ 20 ans, j’ai commencé à faire ce que je croyais devoir faire pour avoir une belle cour : plates-bandes annuelles sur le pourtour de la maison et une pelouse bien tondue à la diagonale. C’est ce que tout le monde faisait, et c’est également ce qu’on me disait de faire à la télévision!

Chaque printemps, je me rendais au parc de stationnement d’un centre commercial où un quelconque serriste avait ouvert une boutique temporaire offrant des caissettes plates de plantes annuelles et des plants de tomates « Starfire ». Après un retour effréné à la maison avec un coffre d’automobile rempli de plantes dispendieuses, mon épouse et moi sortions les pelles pour planter notre jardin tout planifié. Je surveillais, j’arrosais, je sarclais et j’engraissais les plates-bandes pour qu’elles aient leur meilleure apparence vers la fin de l’été. Avec l’arrivée de l’automne et  des premiers gels, tout devenait fané. Il ne restait plus qu’à entasser toutes ces belles fleurs dispendieuses dans des sacs à ordures avec les feuilles mortes.

Mon expérience avec ma pelouse n’a pas été moins éprouvante. Je n’ai pas manqué « d’arroser, de désherber et d’engraisser ». J’ai passé des heures à arracher les mauvaises herbes et même le trèfle de ma pelouse, persuadé que j’étais qu’une pelouse parfaite et sans tache est ce qui distingue un bon citoyen. À cette époque, j’étais « Monsieur Tout-le-Monde » avec une cour de qualité moyenne. (Je dirais aujourd’hui une cour « ennuyante ».) Je ne soupçonnais pas jusqu’à quel point les choses changeraient.

Ma prise de conscience d’un autre mode de jardinage est attribuable à l’intérêt professionnel que j’ai pris dans la prairie des herbes hautes du Manitoba. À la fin des années 80 et au début des années 90, j’ai travaillé comme biologiste sur un certain nombre de projets liés à la prairie. J’en suis venu à apprécier cet écosystème, avec ses magnifiques grandes herbes et l’abondance des fleurs des champs; un système qui offrait de la beauté et un habitat pour la faune, qui enrichissait le sol et se renouvelait chaque année sans que l’homme ait à s’en mêler. Je me suis alors demandé si ce modèle ne serait pas préférable pour ma propre cour et j’ai commencé à douter de la valeur du modèle traditionnel. Je me lassait des massifs de plantes annuelles à la chaîne et de cette obligation interminable de « fertiliser et de tondre » la pelouse.

J’ai alors commencé à remplacer mes massifs de plantes annuelles par des plantes vivaces, surtout des espèces indigènes, tout en conservant des plantes vivaces horticoles rustiques qui végétaient dans ma cour depuis longtemps. J’ai également ajouté des plantes intéressantes que certains de mes voisins cultivaient dans leurs cours depuis des générations. Je voulais des plantes qui pouvaient se débrouiller toutes seules.

J’ai alors aménagé des parcelles de plantes des prairies dans ma pelouse, réduisant ainsi la superficie à tondre. Certaines de ces plantes ont poussé mieux que j’avais espéré et ont même commencé à envahir ma pelouse. Des Marguerites jaunes et une variété d’asters surgissaient un peu partout. Quelle a été ma réaction? Je ne pouvais évidemment faire autre chose que de cesser de tondre les endroits où poussaient les fleurs des champs. Et, de fil en aiguille, j’en suis venu à tondre un sentier étroit à travers ma cour avant et j’ai laissé le reste pousser à l’état sauvage. Les surfaces tondues aident à circonscrire les surfaces à l’état sauvage et j’évite ainsi « l’aspect touffu et abandonné », mais j’ai beaucoup moins de pelouse à tondre et beaucoup plus de fleurs des champs à admirer. Et vous n’ignorez pas que le pâturin des prés et même le chiendent peuvent être très attrayants quand ils atteignent leur pleine hauteur de 30 à 40 cm.

Comment les voisins ont-ils réagi? Aucune plainte jusqu’à présent, uniquement des éloges, et bon nombre de personnes qui s’arrêtent pour contempler le panorama toujours changeant des fleurs des champs qui fleurissent pendant toute la saison de croissance, depuis notre fleur provinciale, l’anémone des prairies, qui fleurit au printemps, jusqu’à l’aster lisse qui apparaît à l’automne.

Mon « jardinage » se limite maintenant à arracher quelques plantes friponnes au printemps, à extirper le chiendent qui apparaît aux mauvais endroits et à sortir la tondeuse toutes les deux ou trois semaines. À part ça, on me verra peut-être déraciner quelques pissenlits avec mon extirpateur à long manche tout en dégustant une bonne bière et d’habitude en faisant la causette avec un ou plusieurs de mes voisins. Ma cour ne requiert presque plus aucun soin et je peux me délasser à ma guise.

En plus d’utiliser des plantes indigènes et des vivaces à entretien minime, voici quelques suggestions pour les jardiniers paresseux.

Arrosage? Inutile! C’est pour cela que je cultive des plantes indigènes des prairies; elles se contentent de l’eau qu’elles reçoivent. Même ma pelouse peut se passer de tout supplément d’eau. En période de sécheresse elle brunit, mais la première pluie la fait reverdir.

Mise en sacs et enlèvement des déchets de coupe? Inutile! Ne coupez pas votre herbe plus courte que 3 pouces et les déchets de coupe se transformeront naturellement en compost.

Le taille-bordure? Je n’en ai nul besoin car j’ai éliminé toutes les surfaces verticales à proximité de ma pelouse, de sorte que la tondeuse peut tout couper.

Les engrais? Oubliez cela! À moins que vous vouliez faire pousser votre gazon plus vite pour vous obliger à passer la tondeuse plus souvent. Laissez le trèfle régler la teneur en azote dont votre pelouse a besoin.

Les herbicides? Beaucoup trop dispendieux! (Ai-je oublié de mentionner que je suis aussi chiche que paresseux?) Un extirpateur de pissenlits à long manche est tout ce dont vous avez besoin (dans un petit jardin comme le mien); c’est la seule mauvaise herbe qui puisse vous causer des problèmes.

En définitive, que suis-je devenu? Un jardinier paresseux? Certains pourraient avoir cette opinion, mais je préfère penser que je suis en paix avec ma cour. Il me faut dépenser très peu de temps, d’eau et d’argent pour obtenir l’une des plus belles cours du quartier. Et pour couronner le tout, il semblerait que je suis devenu l’emblème de l’entretien écologique des jardins. Après tout, je ne voulais tout simplement pas avoir à travailler tout ce temps-là. Je préfère passer mon temps à regarder les papillons voltiger parmi les fleurs des champs, dans ma propre cour.

S’il m’est permis de juxtaposer ma philosophie à la Spock sur l’éducation des enfants, je dirai : je les aime et je les laisse se débrouiller autant que possible.


COLLICUTT, Doug. The Lazy Gardener paru dans The Prairie Garden, 2003: 25-27.