Extrait de How to Get Your Lawn Off Grass: A North American Guide to Turning Off the Water Tap and Going Native (2002)
(Comment vous débarrasser de l’herbe de votre pelouse)

Par Carole Rubin


Carole Rubin a passé vingt ans impliquée au lobbyisme pour la réforme de loi des pesticides et en promotion d’alternatives organiques aux produits chimiques nuisifs pour l’utilisation domestique et industriel.  Le livre de Carole Rubin intitulé How to Get Your Lawn and Garden Off Drugs, a été publié en 1989. Elle vit sur la côte de la Colombie Britannique.

CHAPITRE UN

De l’eau, partout de l’eau

Cinq faits et une vérité :

VOICI LES FAITS :

VOICI LA VÉRITÉ : LES PELOUSES ABSORBENT BEAUCOUP D’EAU!

Les pelouses en plaque traditionnelles et les jardins exotiques d’agrément (jardins semés de plantes qui proviennent de divers climats) absorbent 60 % de l’eau potable disponible en Amérique du Nord. Soixante pour cent du demi pour cent d’eau potable de la planète.

Méditons un peu sur cette réalité.

Une pelouse de 8 sur 12 mètres (25 sur 40 pieds) a besoin de 38 000 litres (10 000 gallons) d’eau par été pour rester verte. Si nous voulons qu’elle garde la souplesse et la couleur vert éclatant à laquelle nous sommes habitués, disons 46 000 litres (12 000 gallons) d’eau potable par été.

Et cette quantité d’eau potable « propre » disparaît rapidement de la planète à mesure que la population augmente, que nous extrayons nos ressources naturelles et que les effets néfastes du réchauffement du globe et de la pollution continuent. Une ville après l’autre en Amérique du Nord voit sa source d’eau s’épuiser ou devenir non potable à cause de son taux élevé de bactéries ou de sa contamination par des agents chimiques d’origine industrielle. Au cours de l’année dernière (de août 2000 à août 2001), nous avons entendu parler de sources d’eau contaminées partout en Amérique du Nord, de Walkerton, en Ontario, jusqu’à Lake Tahoe, en Californie. Bien que j’habite dans une forêt pluviale tempérée, le nombre de personnes que l’eau contaminée rend malades est plus élevé que partout ailleurs au Canada.

Le commerce de l’eau

La plupart des lacs du monde sont pollués.

Bon nombre de personnes considèrent la crise de la pollution et la pénurie d’eau potable comme une prodigieuse occasion d’affaires.

La compagnie Monsanto, celle qui nous fournit des semences de légumes génériquement modifiées et brevetées ainsi que le pesticide Round-up et d’autres pesticides, tente de « s’approprier » l’eau potable partout dans le monde dans le but de nous la REVENDRE. Je ne plaisante pas! La réalité DÉPASSE la fiction! Et ça n’est qu’un début.

La Banque mondiale veut privatiser l’eau et établir un commerce des droits de captation d’eau.

Une compagnie de la Californie a intenté des poursuites contre le gouvernement du Canada en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) parce que la Colombie-Britannique a interdit les exportations d’eau. Cette compagnie, qui se plaint de ne pouvoir capter l’eau de la C.-B. afin de la revendre, demande une indemnisation de 250 millions de dollars américains.

Conflits au sujet de l’eau et grosses matraques

Quarante pour cent de la population mondiale tire son eau d’un pays autre que le sien.

En Amérique du Nord, certains états ont soulevé des conflits juridiques avec leurs voisins afin de protéger leur droit à l’eau qui traverse leurs frontières communes.

La Malaisie, qui fournit environ la moitié des besoins en eau de Singapore, a menacé d’interrompre l’alimentation à cause de critiques formulées contre les politiques de son gouvernement.

Certains états des É.-U. menacent d’intenter des poursuites contre leurs états voisins relativement à la construction de barrages et au détournement de l’eau.

Et la situation ne peut qu’empirer.

Compte tenu de ces faits, peut-on légalement prendre 60 % de notre 5 % des ressources en eau disponibles et la contaminer ensuite pour arroser nos PELOUSES ET NOS FLEURS?

Réfugiés écologiques

Demandez ce qu’en pensent les réfugiés écologiques du monde, ces gens qui ont déménagé leurs familles à des endroits où, entre autres choses, ils ont au moins accès à de l’eau potable. Interrogez ceux qui ne peuvent pas déménager et sont contraints à boire de l’eau contaminée et de s’y baigner, ou qui doivent marcher plusieurs milles chaque jour pour puiser l’eau dont ils ont besoin pour boire et faire la cuisine. Plus d’un milliard de personnes dans le monde n’ont pas accès à de l’eau potable.

En 2010, plus de 2,5 milliards de personne dans le monde n’auront pas accès à de l’eau potable. À cette date, 30 % de la population des États-Unis sera confrontée à une dangereuse pénurie d’eau.

L’eau est donc LA prochaine denrée la plus recherchée. Quelque chose avec laquelle on s’enrichit, pour laquelle on fait la guerre et dont on se sert comme d’une grosse matraque politique.

Après le pétrole, le motif du prochain conflit mondial sera l’accès à l’eau potable. La possibilité de conflits violents augment en proportion de l’augmentation de la population et des besoins en eau. On peut y compter.

Une autre réalité : Les pelouses polluent!

À lui seul, le ruissellement des produits chimiques répandus sur les pelouses et les jardins a sérieusement compromis la nappe phréatique partout aux États-Unis et au Canada.

Depuis le milieu des années quatre-vingt, plusieurs ministères de l’environnement provinciaux s’inquiètent du ruissellement émanant des pelouses et des jardins sur lesquels des pesticides et des engrais chimiques ont été répandus. Depuis plusieurs années, un certain nombre de municipalités ont mis sur pied des programmes d’utilisation restreinte ou de non-utilisation, et certaines d’entre elles (p. ex. Halifax, en Nouvelle-Écosse) ont adopté des règlements municipaux interdisant l’utilisation de produits cosmétiques. Des centaines d’autres se proposent d’adopter des mesures semblables.

L’Agence de protection de l’environnement des États-Unis estime que quarante-trois millions de kilogrammes (quatre-vingt-quinze millions de livres) de produits chimiques sont répandus annuellement sur les pelouses américaines et que ce chiffre augmente de 6 % chaque année.

Et les engrais à base d’urée, les engrais combinés à des herbicides, les fongicides contre la mousse, les produits herbicides et les insecticides contre les fourmis que vous répandez dans votre cour, où croyez-vous qu’ils aboutissent finalement?

Après la première pluie ou le premier arrosage, ils s’infiltrent directement dans la nappe phréatique de votre collectivité.

Les fabricants de pesticides comptent sur ce phénomène.

Et votre pelouse ne brunira-t-elle pas et vos fleurs exotiques ne se faneront-elles pas et ne mourront-elles pas si vous ne continuez à les arroser? En effet!

Et vous trouvez cela sain ou même astucieux?

Les joujoux de pelouse polluent également!

Et puis il y a la pollution et la consommation de ressources attribuables aux tondeuses, aux souffleuses à feuilles, etc.

La USEPA estime qu’au cours d’un seul fauchage, une tondeuse à gazon de trois chevaux et demi pollue autant qu’une grosse voiture neuve qui parcourt 560 kilomètres (350 milles). Elle estime également que les 50 millions de tondeuses utilisées aux É.‑U. brûlent au moins 1 140 millions de litres (300 millions de gallons) d’essence par année et que 76 millions de litres (20 millions de gallons) d’essence et d’huile sont répandus sur le sol chaque année pendant le ravitaillement en carburant du matériel d’entretien des pelouses. Cela excède la quantité de pétrole déversé dans le golfe de l’Alaska en 1989 par le Exxon Valdez.

Quant aux tondeuses électriques, bien que moins « polluantes », elles consomment de l’énergie.

Les pelouses sont des monocultures en mal de désastre

Rien de plus simple. La pelouse étant une monoculture, ou tout au plus un mélange de quelques herbes, elle ATTIRE les problèmes qui harcèlent les jardiniers. Si votre pelouse est en pâturin des prés et que votre secteur est envahi par un insecte ou une maladie qui s’attaque à cette herbe, je vous laisse à penser ce qui se passera. Bon appétit!

La sécheresse détruit les monocultures sensibles à ce fléau, tandis qu’elle ne touche qu’une faible partie d’une plantation de plantes indigènes ayant des besoins variés.

En outre, les oiseaux, les papillons, les abeilles et les phalènes indigènes qui se nourissent de graines, de baies et de fleurs appartenant à la flore indigène éprouveront peu d’attrait pour votre pâturin des prés.

Les pelouses sont mal adaptées à l’Amérique du Nord

L’herbe qui pousse dans votre pelouse provient vraisemblablement d’une source qui n’est pas indigène à votre région, ou même à votre hémisphère. Par conséquent, votre climat et l’état de votre sol ne pourront jamais produire une pelouse en bonne santé. L’herbe de votre pelouse sera toujours stressée et plus exposée à la maladie, aux insectes nuisibles et au mauvais temps. Votre pelouse exotique ne pourra donc demeurer « belle » qu’au prix de travaux d’entretien interminables, dispendieux, intenses et nocifs pour l’environnement.

Et toute cette eau qui ne désaltère pas

Toute cette eau potable dont vous arrosez votre pelouse n’atteint presque jamais les racines profondes de votre herbe. L’évaporation dissipe une bonne partie de l’eau ou, au mieux, celle-ci repose sur le tapis de chaume à la base de l’herbe, formant ainsi un lieu de couvaison chaud et humide pour les maladies et les insectes qui dévorent votre pelouse.

Et si, comme la plupart des Nord-Américains, vous arrosez trop souvent et trop en surface, le peu d’eau qui entre dans le sol ne pénètre qu’à une profondeur de un ou deux pouces, faisant ainsi remonter les racines à la surface en quête d’eau. Ceci affaibli l’herbe et la rend encore plus exposée aux dangers.

La pelouse a besoin d’une terre très enrichie

Pour obtenir une pelouse en excellente santé, les racines de l’herbe doivent s’enfoncer à une profondeur minimale de 20 cm (8 pouces) dans un sol riche en humus, bien aéré et contenant des millions d’organismes bénéfiques qui protègent naturellement les plantes contre les prédateurs. Est-ce le cas pour votre pelouse?

Les pelouses en disent long, mais très peu sur nous

La plupart des villes et villages de l’Amérique du Nord sont interchangeables. Beaucoup de pavage, de nombreux édifices et, comme Lorraine Johnson l’a si justement dit, beaucoup de lots « couverts de l’équivalent botanique du pavage : la pelouse. » Les mêmes arbres, les mêmes arbustes, du pareil au même. Le silence morbide. Presque aucune avifaune. Grande pénurie de papillons. La stérilité même. On pourrait se trouver au Manitoba, au Massachusetts ou au Montana. ASSOMMANT.

Maintenant, allez trouver et examiner une cour de plantes indigènes dans votre secteur. Vous entendrez les piaulements, les trilles et les gloussements des oiseaux, vous verrez de splendides papillons, des abeilles bourdonnantes et une abondance d’arbres, d’arbustes, de fleurs et de couverture végétale inusités (en fait, courants) qui ne se retrouvent dans aucune autre partie du continent. Que l’on trouve uniquement dans votre partie du monde. Une vraie célébration de la VIE.

Il est manifestement temps pour les Nord-Américains de repenser leur obsession des pelouses et le coût financier et écologique qu’elle entraîne.

Certaines municipalités ont interdit l’arrosage des pelouses pendant l’été.

Certains gouvernements en Amérique du Nord offrent déjà un encouragement financier et de l’aide technique aux résidents qui acceptent d’enlever leurs pelouses assoiffées et polluantes pour les remplacer par des plantes indigènes.

LE PRÉSENT OUVRAGE VOUS ENSEIGNE COMMENT PROCÉDER : comment couper, rouler et composter votre pelouse en plaque et vos plantes d’ornement « exotiques » toujours assoiffées et comment les remplacer par de splendides couvertures végétales, des fleurs, des massifs d’arbustes, des arbres et des herbes qui n’auront pas besoin d’engrais, de produits chimiques pour la lutte contre les insectes, d’être déplacés, ni d’être ARROSÉS après la première année.

Examinons d’abord cette obsession des pelouses et des fleurs d’agrément provenant de pays étrangers et tentons de déterminer où elle a commencé.

CHAPITRE DEUX

De la forêt à la pelouse

Dès le début, la pelouse a été un symbole de prestige et de richesse. Voici comment cela s’est produit.

Afrique, Asie, Europe et Grande-Bretagne

Il existe plusieurs explications de la naissance des pelouses. La plupart conviennent que le défrichement des terres a débuté avec l’établissement de collectivités sédentaires en Afrique et, plus tard, en Europe et en Grande-Bretagne, afin de permettre aux habitants de voir l’approche de leurs ennemis. Les opinions diffèrent quant à savoir si les « ennemis » en question étaient d’autres humains, des animaux sauvages ou la nature elle-même.

Peu importe le motif de la crainte, les forêts ont été abattues et les hautes herbes coupées courtes par les premières tondeuses à gazon; les esclaves et les pauvres.

Avec l’évolution des collectivités et des hiérarchies, les plus fortunés ont eu plus de temps libre. Ils ont commencé à tenir l’herbe courte afin d’aménager des aires de jeux dans l’enceinte des châteaux et à cultiver de grandes étendues non productrices d’aliment à proximité de leurs demeures, ainsi qu’à planter délibérément de l’herbe dans leurs cours.

Les terrains royaux et aristocratiques devaient toujours être splendides afin de préserver leur ascendance politique face à la haute société. À partir du treizième siècle en Europe, et ensuite en Angleterre, la flore et la faune étrangères étaient très recherchées comme symboles de richesse et de « bon goût ». Plus l’article était étranger, plus on le convoitait, et c’est ainsi qu’est né le commerce des plantes exotiques.

Au début du dix-huitième siècle, le palais de Versailles avait son tapis vert, composé entièrement d’herbes provenant de l’Asie, et conçu par l’un des premiers architectes paysagistes, André Le Nôtre. En Angleterre et en Europe, des paons et des tigres de l’Inde rôdaient dans d’immenses domaines maintenus en parfait état et plantés de palmiers dattiers et d’herbes africaines.

À mesure que l’argent descendait dans les couches inférieures de la société vers le milieu et la fin du dix-huitième siècle, les nouveaux propriétaires fonciers se sont mis à imiter leurs supérieurs en s’appropriant des domaines et, bien évidemment, en aménageant les plus grandes pelouses possible. Le « gazon » devint un symbole reconnu de richesse et de prestige.

Dans le Nouveau Monde

À leur arrivée en Amérique du Nord, les Européens ne trouvèrent ni pelouses, ni jardins. Les peuples autochtones de l’est de l’Amérique du Nord cultivaient les clairières dans la forêt et se déplaçaient d’année en année afin de maintenir la vigueur du sol. Les Indiens de Plaines brûlaient périodiquement les herbes indigènes afin d’inciter les bisons à brouter les nouvelles pousses qui apparaissaient après un feu. Sur la côte ouest, la pêche, la chasse et les plantes fourragères gardaient les peuples autochtones heureux.

Les premiers agriculteurs européens à s’établir sur la côte est de l’Amérique substituèrent aux herbes indigènes annuelles des herbes et du trèfle provenant de leur pays, croyant que ceux-ci avaient une valeur nutritive plus élevée pour les animaux de pâturage. Au milieu du seizième siècle, le trèfle était l’une des denrées les plus importées en Nouvelle‑Angleterre.

C’est également sur la côte est que le lest déchargé des bateaux en rade a permis au pissenlit, au plantain et à d’autres mauvaises herbes de prendre pied. Le lest, le bétail de pâturage et les oiseaux faisant de l’auto-stop sur les vaisseaux négriers et marchands ont répandu du chiendent pied-de-poule et de l’herbe de Guinée, originaires de l’Afrique, ainsi que du pâturin des prés, originaire du Moyen-Orient, partout dans le sud avant tout établissement humain.

Les premières pelouses nord-américaines ont été plantées par de riches propriétaires fonciers de la Nouvelle-Angleterre à la fin des années 1700 pour imiter l’aristocratie de l’Angleterre et de l’Europe. Ces propriétés nord-américaines sont devenues des « domaines ». Le pâturin des prés, dont on aimait à orner les espaces verts des domaines britanniques, est devenu l’herbe à pelouse préférée en Amérique du Nord.

Apparraissent ensuite les banlieues, et la pelouse se trouve enracinée dans notre psyché. La pelouse était un signe de richesse communale, de prestige et de bon goût ― et délimitait le domaine. L’expression « Turf Wars » (guerres de territoire) n’est pas apparue accidentellement.

Et maintenant?

Le grand questionnaire sur la pelouse

Au cours de la préparation du présent ouvrage, j’ai interrogé au hasard, à titre officieux et de façon non scientifique, deux cents Canadiens et Canadiennes auxquels j’ai posé les quatre questions suivantes :

Les résultats ont été fascinants.

Réaction des hommes

Que représente pour moi ma pelouse? Soixante-dix-huit pour cent des hommes ont invariablement utilisé des mots tels que « fierté », « beauté », « paix » et, ce qui est révélateur, « le plus beau du quartier » en parlant de leur pelouse.

Lorsqu’il a été question de leurs jardins, l’enthousiasme s’était refroidi — pas étonnant — moins de 12 % des hommes avaient participé à leur aménagement ou à leur entretien. Leur réponse se limitait aux termes « beau », « joli, je crois » et « c’est le dada de ma femme/partenaire ».

Quant à la question de remplacer leur pelouse par des plantes indigènes, une écrasante majorité de 87 % s’est dite inflexiblement opposée à une telle idée; non monsieur, non madame, laissez ma pelouse tranquille! Des ripostes telles que « Pas question! », « Essaie, si tu oses! » et « Je refuserais! » ont été effectivement gravées sur le papier. Pour s’expliquer, on disait :  « Où les enfants vont-ils jouer? » ou « J’aime ma nouvelle tondeuse! » Chose curieuse, la plupart des personnes interrogées ont admis que, de toute façon, leurs enfants n’avaient pas le droit ou n’étaient pas intéressés de jouer sur la pelouse. Certains qui ont invoqué la présence des enfants ont même admis qu’ils n’en avaient pas. Intéressant, en effet!

La réponse le plus souvent avancée à l’idée de remplacer le jardin par des plantes indigènes était : « Ça n’est pas mon domaine, demandez à ma partenaire ».

Réactions des femmes

En réponse à la question « Que représente pour moi ma pelouse », la moitié des femmes (58 %) se sont dites au mieux indifférentes. Viennent ensuite des expressions comme : « c’est trop de travail », « ça n’est jamais beau, quoiqu’on fasse », « il faut que je me batte avec mon (à remplir au choix) pour qu’il passe la tondeuse ». Les autres se sont repliées sur le mot « fierté ».

Quand on leur a demandé ce qu’elles pensaient de leurs jardins d’ornement, 78 % d’entre elles ont donné une réponse très positive, entremêlée à des mots comme « thérapeutique », « indispensable », « splendide » ou tout simplement « c’est mon jardin ».

Seulement 17 % des femmes ont manifesté quelque réticence à l’idée de remplacer leur pelouse par les plantes indigènes. 17 %. L’objection la plus commune portait sur les frais à engager et la difficulté du travail. En fait, la majorité des femmes interrogées (82 %) ont convenu que le remplacement de leur pelouse par des plantes indigènes serait « un bon défi, » et « une excellente idée! » Toutefois, une écrasante majorité de 87 % ont rétorqué : « Laisse mon jardin tranquille » « J'aime mon jardin tel qu’il est! », tout en affirmant que les plantes indigènes seraient « ternes », « mornes », « trop de travail » et « coûteraient trop cher! ».

Que se passe-t-il donc en Amérique du Nord? Pourquoi cette obsession persistante qui nous fait gaspiller et polluer notre approvisionnement d’eau (arrosage, engrais, pesticides) notre temps et notre énergie (tondeuse et engrais), notre air pur (tondeuse, souffleuse à feuilles), notre paix et notre tranquilité (tondeuse, souffleuse à feuilles) sans parler du coût de toutes ces opérations?

Rien d’autre que notre obsession pour le prestige. VOICI les limites de MA propriété, et j’ai maitrisé la nature! VOICI MON TERRITOIRE, littéralement. L’obsession a pris racine après de nombreux siècles d’aménagement paysager royal de l’autre côté du monde et s’est transplantée dans les cours des villes et villages de l’Amérique du Nord et, ce faisant, elle a détérioré notre environnement.

CHAPITRE TROIS

Pensons écologie, biodiversité, économie d’eau, plantes indigènes

Et si le symbole de statut social pour le nouveau millénaire N’ÉTAIT PAS une pelouse, mais une belle cour pleine de couvertures végétales, d’herbes, de fleurs, d’arbustes et d’arbres qui, par nature, améliorent notre vie et contribuent à garder la planète en bonne santé.

Définition de « indigène »

On entend par indigène à l’Amérique du Nord toute plante qui poussait dans une région particulière de l’Amérique du Nord avant l’arrivée des Européens, c.-à-d., indigène à cette région.

Définition de « exotique »

On entend par plante exotique toute plante qui a été introduite à dessein, soit par l’homme, soit accidentellement (vent, oiseaux, inondation, etc.).

Pouvez-vous prononcer « xéro-paysagisme »?

Le xéropaysagisme consiste à planter des espèces végétales qui, une fois enracinées, n’ont plus besoin d’eau. Ces plantes peuvent être indigènes ou exotiques.

Parlons des plantes indigènes : elles s’adaptent ou elles meurent

Les plantes indigènes ont évolué, sans aide ni direction de l’homme, dans leur habitat primitif pendant des milliers, sinon des millions, d’années. Cette évolution les a rendues robustes là où elles sont, dans leurs conditions actuelles d’existence. Il s’agissait pour elles de « s’adapter ou de disparaître ». Une fois bien enracinées au bon endroit dans votre cour (p. ex., à l’ombre, en plein soleil, dans un sol humide ou sec et qui leur convient) elles exigent très peu de soins. Plus besoin d’arroser après la première année. Plus besoin d’engrais, sauf du paillis et du compost. Plus besoin de pesticides.

Les plantes indigènes PEUVENT vous laisser quelque boulot

Si vous êtes pris de panique à la pensée de n’avoir plus « rien à faire », ne vous en faites pas car votre jardin indigène vous réserve quelques bonnes « corvées ».

Arrosage

Vous devez arroser vos plantes indigènes pendant la première année afin de permettre aux racines de bien pénétrer dans le sol. Il faut arroser abondamment mais peu souvent pour favoriser la croissance en profondeur des racines. Dans chaque région de l’Amérique du Nord, chaque plante exige différentes quantités d’eau pendant la première année. Vous devez vous renseigner et arroser en conséquence. Pour faciliter les choses et éviter le gaspillage d’eau, il importe de regrouper dans votre jardin les plantes qui exigent la même quantité d’eau.

Compostage

Pour que vos plantes indigènes soient en pleine santé et comme mesure favorable à l’environnement : COMPOSTEZ! Procurez-vous un composteur scellé ayant une petite porte au niveau du sol (disponible dans votre quincaillerie locale) et versez-y chaque jour tous vos résidus domestiques, sauf ceux qui contiennent de la viande ou de l’huile. Vous obtiendrez un beau compost friable dont vos plantes raffoleront quand vous le répanderez autour d’elles.

Paillage

Vous pouvez également ramasser les feuilles mortes dans votre cour et dans votre voisinage et vous en servir comme paillis nutritif pour vos plantes au lieu de les mettre aux vidanges. Des copeaux de bois peuvent également servir de paillis. Si vous placez régulièrement du paillis, il tuera vos mauvaises herbes tout en nourissant vos plantes à mesure qu’il se décompose.

Désherbage

Il faudra faire un peu de désherbage pour tuer les exotiques et les mauvaises herbes pendant que les indigènes forment leurs racines, et même par la suite. Il faut désherber à la main seulement! Tout herbicide chimique que vous répandez dans votre jardin indigène risque de nuire aux merveilleuses petites bêtes (oiseaux, papillons, etc.) qui le visitent.

Entretien

Pour que vos fleurs des champs continuent à s’épanouir, vous devez enlever les capitules dès qu’elles commencent à se faner. C’est ce qu’on appelle enlever les fleurs fanées, ce qui prolonge considérablement la période de floraison des plantes indigènes. Vous pouvez élaguer les arbustes et les haies afin d’accroître la circulation d’air entre les plantes. Et s’il le faut, certaines plantes indigènes peuvent être fauchées; . . l’intervalle pouvant varier entre quelques semaines et un an.

Donc, aucune crainte de vous ennuyer et de ne plus avoir rien à faire dans le jardin. C’est promis!

Parlons des animaux

Il en va de même pour la faune comme pour la flore. En réintroduisant les plantes indigènes dans leur habitat original, vous commencez à attirer la faune dans votre cour. De splendides papillons, oiseaux-mouches, oiseaux chanteurs et d’autres oiseaux qui se nourrissent des insectes avides de vos plantes, et même des bourdons. Si la faune vous intéresse, renseignez-vous sur le genre de nourriture et d’abri et sur la quantité d’eau dont ont besoin les espèces que vous désirez voir s’installer dans votre jardin. Vous pouvez créer un véritable éden pour les insectes, les oiseaux et la faune. Le chapitre six peut vous fournir des idées.

Un vaste choix de plantes indigènes

Vos plantes seront splendides! Les diverses familles des plantes indigènes offrent un vaste choix et une grande variété de couleurs et de textures pour chaque région de l’Amérique du Nord :

Il y a des plantes qui poussent dans un sol arride, d’autres dans un sol marécageux, d’autres à l’ombre, d’autres au soleil, d’autres dans des sols acides et alcalins et il y en a qui sont aromatiques, non aromatiques, grandes, moyennes et courtes. Examinez les photos dans le présent ouvrage; la plupart des plantes qui y figurent sont indigènes à leur région et ont été plantées en fonction de leur beauté et de leur adaptation aux conditions du lieu.

Les arbustes forment des clôtures et des barrières naturelles, ainsi que des abris pour les animaux. Les arbustes fruitiers fournissent aux oiseaux leur nourriture et un site de nidification. Dans les jardins plus petits où les arbustes seraient trop encombrants, des plantes grimpantes qui s’accrochent aux treillages et aux clôtures peuvent procurer de la solitude et de l’ombre, ainsi qu’un abri et de la nourriture (pollen, feuilles, fruits, nectar) aux oiseaux.

Les couvertures végétales à pousse basse remplacent avantageusement les pelouses aux endroits où l'on désire conserver une surface relativement uniforme. Elles empêchent l’érosion du sol — une excellente idée si le terrain est en pente.

Et qu’en est-il des fleurs? . . Les fleurs indigènes produisent beaucoup de fleurs, de pollen et de nectar et procurent une belle vue ainsi que la nourriture indispensable aux oiseaux et aux abeilles.

Les herbes indigènes des prairies et des prés empêchent également l’érosion du sol et poussent très bien dans les endroits secs et venteux. Et, va sans dire! Si vous ne pouvez vous passer de « l’aspect de la pelouse », essayez l’herbe aux bisons dans la région appropriée. Vous pouvez la tondre toutes les deux semaines environ et vous obtiendrez de merveilleux résultats.

Les arbres indigènes sont un excellent choix si vous avez suffisamment d’espace et votre projet est à long terme. Avant de les planter, tenez bien compte de l'ampleur qu’atteindra leur ramure lorsqu’ils arriveront à pleine maturité. À chaque étape de leur cycle vital, les arbres fournissent un abri et de la nourriture aux oiseaux et aux petits animaux ainsi que de l’ombre et de la beauté aux humains.

Tous ces avantages, et à peu de frais!

Parlons argent. Pour nombre de gens dont la pelouse et le jardin floral sont déjà bien en place, les coûts envisagés ont un effet dissuasif. Mais si vous considérez les coûts financiers et environnementaux des plantes annuelles, (voir Mythe 5 ci-après), le coût duréaménagement ne vous semblera pas si exorbitant.

Et vous pouvez procéder petit à petit.

Êtes-vous persuadé? Curieux? Continuez à lire!

Neuf mythes communs sur les plantes indigènes

MYTHE No 1

Les plantes indigènes produisent des pollens allergènes qui aggravent le rhume des foins chez l’homme.

FAIT :

La pelouse en plaque traditionnelle contient plus de pollens allergènes que les plantes indigènes. Il en va de même de l'herbe à poux qui se glisse dans les zones aménagées, ainsi que des fleurs exotiques voyantes.

MYTHE No 2

Les jardins de plantes indigènes attirent la vermine et les maladies.

FAIT :

La vermine préfère les ordures aux plantes indigènes. Le mulot indigène est plus friand des grains de céréales que des types de plantes indigènes qui pousseront dans votre cour ou votre jardin. En ce qui a trait aux maladies, la tique porteuse de la maladie de Lyme se rencontre dans les sites indigènes et exotiques et elle parasite les animaux sauvages et domestiques.

MYTHE No 3

Les plantes indigènes vont envahir mon jardin et les autres jardins du voisinage.

FAIT :

Que ne peuvent-ils avoir cette chance. La plupart, sinon toutes, les plantes dites « envahissantes » sont des plantes exotiques qui proviennent de l’étranger ou d’une autre partie de l’Amérique du Nord.

MYTHE No 4

Les jardins de plantes indigènes paraîtront mornes et sans couleurs.

FAIT :

Dans tous les groupes de plantes indigènes de l’Amérique du Nord, on trouve une gamme incroyable de couleurs brillantes et superbes ainsi que des teintes réservées de bronze, d’argent et de cuivre.

MYTHE No 5

Les jardins de plantes indigènes coûtent trop cher.

FAIT :

Bien que l’aménagement d’un jardin ou d’une cour de plantes indigènes puisse nécessiter une certaine dépense initiale, celle-ci paraîtra dérisoire si on la compare à TOUS les coûts d’entretien d’une pelouse ou d’un jardin de plantes exotiques, notamment :

MYTHE No 6

Les plantes indigènes poussent difficilement et elles sont délicates. Elles ne durent pas.

FAIT :

Si vous faites votre recherche et choisissez des plantes qui sont indigènes à votre région et aux conditions de votre sol (partage, ensoleillement, humidité, etc.) elles POUSSERONT. Elles poussent ici depuis des millénaires et sont très rustiques et robustes.

MYTHE No 7

Les plantes indigènes abritent les moustiques.

FAIT :

Ce sont les mares d’eau stagnante, non pas les plantes indigènes, qui constituent des zones de couvaison des moustiques.

MYTHE No 8

Les jardins de plantes indigènes ressemblent à des « brousailles » : sauvages et en désordre.

FAIT :

Les jardins de plantes indigènes peuvent être aussi bien taillés et ordonnés que les jardins de plantes exotiques à la française, ou aussi sauvages qu'un pré. À vous de décider du choix de plantes et de la conception du jardin. Jetez un coup d’oeil sur la photo ci-contre. Cela vous paraît-il « désordonné » ou « sauvage »?

MYTHE No 9

Ma municipalité ne permet que les pelouses de gazon en plaques.

FAIT :

La plupart des états et des provinces de l’Amérique du Nord encouragent vivement leurs résidents à semer peu à peu des plantes indigènes dans leurs cours et leurs jardins afin de réduire le recours à l’alimentation en eau. Bien qu’il y ait des municipalités qui n’ont pas encore été converties et qui laissent les amateurs de jardins de plantes indigènes contester les règlements municipaux, d’autres ont déjà appris et s’empressent de transformer des espaces publics en jardins de plantes indigènes.


RUBIN, Carole. How to Get Your Lawn Off Grass: A North American Guide to Turning Off the Water Tap and Going Native. Madeira Park, Colombie Britannique: Harbour Publishing, 2002: 11-33.