(Les êtres debout)
Extrait de Field Guide of Medicinal Plants for the Prairie Provinces: The Standing People 2003

Par Kahlee Keane et Dave Howarth


Mme Keane est l’auteure de nombreux livres sur les plantes sauvages médicinales. Éco-herboriste et éducatrice, elle a voyagé dans tout le Canada pour étudier, écrire et enseigner au sujet des plantes sauvages médicinales. Au cours de ses voyages, elle a étudié plusieurs disciplines se rapportant aux plantes et travaillé avec des guérisseurs notamment autochtones, asiatiques, afro-américains et européens. Dans ses cours et pendant ses promenades guidées, elle insiste sur l’emploi durable des plantes médicinales tout en vous apprenant à préparer et à utiliser vos propres produits médicinaux.

Les Premières Nations nous transmettent leur savoir sur les Standing People – c’est-à-dire sur les plantes qui, dans la chaleur printanière, sortent de la terre, notre mère nourricière, et qui, dans la fraîcheur de l’automne, recyclent leur énergie et retournent en son sein pour se décomposer.

En hiver, ces plantes sommeillent sous la peau de leur mère nourricière jusqu’à ce qu’en plein cœur de l’été, elles respirent de nouveau et se nourrissent de l’air et du sol.

Les produits médicinaux que nous tirons de ces plantes sont complets et actifs; en fait, celles-ci nous font essentiellement cadeau de l’air que nous respirons. Si nous marchons au milieu de ces plantes, nous ne pouvons que ressentir leurs bienfaits au plus profond de nous.

N’est-il pas vital pour l’ensemble des êtres humains d’exister comme nos ancêtres l’ont fait, c’est-à-dire en vénérant la terre et en se mettant à son service, de vivre de nouveau amoureux de notre planète au point de ne plus jamais lui faire de mal, ni à elle et ni à ses enfants?

Ces mots figurent dans l’introduction d’un nouveau livre intitulé « The Standing People : Field Guide of Medicinal Plants for the Prairie Provinces  », écrit par Kahlee Keane et illustré des photographies de David Howarth et Peter Courtney.

Ce livre est notre offrande à la terre.

Ma mère adoptive, Ojibwa de Bear Island en Ontario et surnommée dans sa langue « femme du jour pleine de sagesse » (Wise Day Woman), m’a parlé de la philosophie de son peuple. Elle s’est efforcée de me faire comprendre et adopter, moi la non-Autochtone, les enseignements sacrés de la Terrre.

Partout au Canada, les Aînés de nombreux groupes culturels m’ont aussi expliqué, avec beaucoup de patience et de façon que cet enseignement m’accompagne à chaque instant de ma vie, le lien qui existe entre les roches, les plantes, les insectes, les oiseaux et les autres animaux.

Les êtres debout, les êtres volants, les êtres roulants, les êtres rampants et nous-mêmes, les êtres de la Terre, ne formons qu’un et sommes inséparables.

Un groupe de jeunes élèves m’a envoyé le dessin qui accompagne cet article et qui illustre le concept. Je l’ai encadré et accroché sur mon mur en toute fierté pour que tout le monde puisse voir ce que ces jeunes et brillants cerveaux ont créé.

La Terre a besoin qu’on s’occupe d’elle. Nous l’avons délaissée pendant trop longtemps et cette séparation de la nature nous empêche de nous épanouir complètement. Lorsque nous nous abandonnons à elle, que nous laissons tomber toutes nos prétentions, nous nous libérons de toutes les contraintes et de toutes les illusions. Nous sommes nous-mêmes.

Si vous le souhaitez, gardez cette pensée près de vous :

Tout est relié.

Tout a une destination.

Rien n’est gratuit.

C’est la Nature qui a le dernier mot.

Dessin ci-joint réalisé par les élèves de la classe de 2e et de 3année de Mme Kathy Probert - 2002 - North Park Wilson School, Saskatoon.

LA CUEILLETTE ÉTHIQUE EST UN ACTE DE CONSERVATION

En qualité d’éco-herboriste et de cueilleuse respectueuse de la nature, je me sens un devoir de protéger les plantes sauvages médicinales et de parler au nom de celles qui nous guérissent tous les jours. En qualité d’activiste et d’agente de protection de la nature, mon but est de protéger la biodiversité en protégeant la biodiversité à l’échelle des écosystèmes; chacune des espèces en danger de disparition est protégée à l’intérieur de l’écosystème.

Les écosystèmes forment un tout indissociable – cela signifie qu’il faut préserver tout ce qui appartient à la nature et qu’aucune espèce indigène ne doit disparaître. Les plantes indigènes ne sont pas seulement des produits ou des ressources à la disposition des êtres humains qui peuvent les exploiter ou les consommer. Ce sont des espèces à part entière. Ce sont de véritables habitants et éléments irremplaçables de nos forêts, de nos formations arbustives, de nos herbages et de nos milieux humides naturels qui ont autant de valeur, pour notre patrimoine naturel, que tous les autres résidents.

Le déclin dramatique des populations végétales résulte en grande partie de la récolte commerciale et en particulier de l’arrachement des racines. Lorsqu’on arrache toute la racine, cela signifie que toute la plante est détruite et qu’elle disparaît à jamais.

Le sénéca (Polygala senega) est un exemple parfait de racine non durable qui est de plus en plus récolté commercialement en Saskatchewan et au Manitoba. De toute évidence, le sénéca ne se prête pas du tout à l’exploitation économique et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, il faut attendre plusieurs années pour que la racine puisse être récoltée. Cela limite la quantité qui peut être récoltée chaque année sans porter atteinte à la population (de plantes) sauvages. La culture ne peut pas remplacer de façon viable la récolte de la plante sauvage parce que les graines du sénéca ne germent pas facilement même dans les mains des experts.

Ce qu’il faut absolument retenir, c’est qu’une fois qu’une espèce disparaît, on ne peut plus la recréer. En conséquence, il faut établir des priorités et des lignes directrices avant qu’il ne soit trop tard. Malheureusement, il n’existe pratiquement pas de données sur la distribution, l’histoire vivante, la biologie, les peuplements, le niveau d’extraction et le commerce ou la gestion des plantes médicinales indigènes. Il faut que ces éléments d’information soient en place avant que l’on ne poursuive la récolte commerciale.

Il faut que je précise qu’il existe une énorme différence entre la cueillette des plantes avec une attitude respectueuse de la nature et la récolte commerciale du matériel végétal. La cueillette dans la nature est le rassemblement de plantes indigènes par des personnes locales bien informées et pour leur usage personnel. C’est un exemple parfait de bonne gestion de la Terre selon lequel les êtres humains, faisant eux-mêmes partie de la nature, fonctionnent dans un contexte d’interaction et de réciprocité.

La récolte à des fins commerciales s’est accélérée au cours des vingt dernières années et l’on récolte des tonnes de plantes sans se soucier de la durabilité ni de la destruction de l’habitat.

La récolte excessive consiste à recueillir des plantes sauvages au point de perturber l’équilibre de la communauté végétale, de réduire son habitat et son aire de distribution géographique. Bon nombre de plantes médicinales indigènes d’Amérique du Nord sont en péril; les plantes en voie de disparition sont des espèces qui sont susceptibles de disparaître dans un avenir prévisible et les plantes menacées sont celles qui sont sur le point de devenir en voie de disparition.

Toute forme de récolte dans la nature devrait être soigneusement gérée et réglementée, et pourtant, les données scientifiques sur les populations végétales sont totalement insuffisantes. Nous avons besoin de savoir quelle est l’abondance régionale pour pouvoir établir des bases de données indiquant combien de plantes nous pouvons récolter chaque année et dans quels endroits, de façon à tenir compte des principes du développement durable. Jusqu’à ce que cela soit mis en place, il faut imposer un moratoire sur les récoltes commerciales. Il faut arrêter de porter atteinte aux populations végétales sauvages.

La cueillette dans la nature est peut-être la façon la plus directe d’être en contact avec le pouvoir de guérison de la nature. S’il n’y a que le profit qui nous intéresse, et si nous ne nous préoccuppons pas du bien-être de notre planète, nous finirons par endommager la Terre et par nous faire du mal à nous aussi.

La récolte des plantes sauvages est plus compliquée qu’on ne l’imagine. La cueillette éthique consiste à identifier les espèces et à éviter de nuire à la plante en question, sur le plan environnemental, et aux autres éléments interdépendants de l’écosystème. Les cueilleurs ne vendent pas leurs récoltes à des courtiers qui les revendent à la tonne sur le marché international – c’est le travail de ceux qui récoltent à des fins commerciales. J’ai remarqué que bon nombre d’exploitations commerciales minimisent leurs activités et insultent les véritables cueilleurs respectueux de la nature en s’appelant eux-mêmes cueilleurs de plantes sauvages. Cela ne fait que renforcer leur cruauté à l’égard de la Terre.

Vous pouvez être certains que la récolte à des fins commerciales permet de prélever d’énormes q          uantités de matériel végétal indigène qui rapportent beaucoup d’argent sur le continent américain et dans le reste du monde. De par son ampleur, elle est bien différente de la cueillette dans la nature.

La cueillette dans la nature, soit la cueillette de plantes dans un milieu sauvage indigène, est de plus en plus populaire. Bon nombre d’herboristes et de cueilleurs de plantes s’inquiètent des dommages que subissent nos ressources. La devise des cueilleurs d’expérience est de ne jamais endommager ni épuiser notre patrimoine naturel.

L’organisme Save Our Species a établi des lignes directrices en matière d’éthique que les cueilleurs respectent volontairement (et instinctivement) – vous les trouverez ci-dessous accompagnées du mandat de S.O.S.

MANDAT : Promouvoir, mettre en œuvre et surveiller la cueillette éthique des plantes sauvages.

DÉCLARATION : Partout en Saskatchewan, les écosystèmes naturels sont grandement perturbés en raison de diverses pratiques industrielles et agricoles. Par exemple, la coupe rase des forêts, l’exploitation minière à ciel ouvert, l’inondation de vallées pour générer de l’hydroélectricité ainsi que la monoculture ont exercé et exercent encore énormément de pression sur les régions écologiques relativement intactes de la province.

La perturbation incessante de l’écosystème rend non seulement la terre malade mais aussi tous les êtres humains.

Même si ce n’est pas aussi évident, la récolte non éthique des plantes médicinales et culinaires sauvages contribue à la profanation de la nature.

Même si on ne les comprend pas encore complètement, les rapports complexes entre les plantes et les animaux sous-entendent qu’en cas de perturbation dans une région écologique donnée, il se produit une réaction en chaîne dont les effets sont énormes. Ainsi, lorsqu’une espèce de plante disparaît complètement d’une zone, les autres plantes et les autres animaux qui dépendent de cette espèce pour se nourrir ou se loger deviennent vulnérables et peuvent même en mourir. La perturbation de l’élément suivant de la chaîne alimentaire produit elle-même des effets successifs jusqu’à ce que tout un écosystème soit menacé.

Pour éviter la destruction totale de l’écosystème, il faut que les personnes qui récoltent des plantes sauvages apprennent et pratiquent les méthodes de protection de la nature. À cette fin, les lignes directrices suivantes ont été élaborées en matière d’éthique.

Veuillez noter que l’expression « CUEILLETTE DANS LA NATURE » a toujours été réservée pour décrire la cueillette éthique des plantes sauvages.

ACTIVEMENT la nature!!

v    Dites-nous si la récolte non respectueuse de la nature existe dans votre région.

v    Surveillez la cueillette dans votre région.

v    Créez des jardins de plantes indigènes et faites-en la promotion pour aider à préserver les espèces.

v    Récupérez et replantez les espèces indigènes des endroits qui vont être aménagés ou cultivés.

Nous acceptons volontiers les commentaires et les demandes de renseignements.

L’ÉTHIQUE :

Avant de cueillir des plantes dans la nature, essayez d’abord de les cultiver. Apprenez à faire pousser des herbes indigènes et médicinales, transmettez vos connaissances et partagez vos graines et vos boutures avec d’autres personnes. Profitez d’un terrain qui a déjà été labouré au lieu de détruire les quelques endroits sauvages qui restent.

Lorsque vous récoltez dans la nature, traitez les groupements de plantes sauvages comme de beaux jardins de plantes vivaces. Pendant la récolte, pratiquez la multiplication en replantant le collet des plantes (la partie entre la tige et la racine), en disséminant les graines et en taillant les arbustes et les arbres pour favoriser leur croissance. Surveillez toujours les zones qui ont été récoltées chaque année pour voir si vos efforts ont porté fruit. Bref, soyez les gardiens de la nature.

Si vous cueillez des plantes dans la nature pour arrondir votre revenu, prenez en considération les besoins de la communauté végétale qui est au-dessus de la vôtre dans la chaîne alimentaire.

Dans la mesure du possible, déterminez, avant la cueillette et pour chaque peuplement, la quantité de plantes qui est nécessaire pour préserver le peuplement en question. Vos besoins ne doivent pas influencer votre récolte.

Dans une zone de récolte, il ne faut pas cueillir plus de 25 % des plantes envahissantes ni plus de 5 % des plantes indigènes.

Sauf si c’est absolument nécessaire (maladie ou faim), ne récoltez pas les plantes en voie de disparition, menacées ou sensibles. Informez-vous sur les plantes en vous adressant au botaniste en chef de l’université locale.

Chaque fois que c’est possible, ne cueillez qu’une partie de chaque plante en pinçant individuellement les feuilles, les têtes ou les segments de rhizome et en laissant le reste de la plante intact pour lui permettre de se régénérer.

Souvenez-vous que, pour restaurer des zones dévastées comme les forêts coupées à blanc, il faut permettre à autant de végétation d’origine que possible de repousser. Pour que le reboisement naturel ou artificiel réussisse, même les espèces végétales indigènes du tapis forestier doivent être préservées.

Les espèces sont le résultat de milliers et même de millions d’années d’évolution.

Pour n’importe quelle espèce, l’extinction est la pire des catastrophes. Une fois qu’une espèce, elle ne peut plus être reconstituée.

Alerte au sénéca

L’organisme Save Our Species lance son projet de sensibilisation au sénéca (Seneca Watch Awareness Project ou SWAP) à l’occasion du Jour de la Terre. Bien des gens qui habitent dans les Prairies connaissent le sénéca et nous disent qu’ils en « ont arraché la racine pendant la Grande Crise des années 30 pour pouvoir joindre les deux bouts ». De nos jours, en compagnie de leurs enfants et des enfants de leurs enfants, ils se dévouent et contribuent à ce projet afin que le sénéca (Polygala senega) continue d’exister pour les générations à venir. Au cours des dernières années, cette petite plante a été déplacée en raison de l’expansion de l’agriculture, de l’aménagement et de la récolte commerciale. À cause de ces facteurs, le sénéca est en péril, ce qui représente la première étape vers l’extinction – une voie à sens unique.

Si vous disposez de renseignements, n’hésitez pas à nous contacter, comme il est indiqué ci-dessous :

Save Our Species (SOS) invite les particuliers, les groupes, les écoles et les collectivités à participer activement à la préservation des derniers groupements sauvages de sénéca (Polygala senega) encore viables dans les Prairies. Le projet de sensibilisation au sénéca (SWAP) a été entrepris par des membres de SOS inquiets de la situation et désireux de préserver les peuplements de sénéca, d’éduquer le public sur les dangers de la récolte non éthique, et de protéger l’habitat de cette espèce en péril. Les membres de SWAP obtiennent les résultats suivants en accomplissant quelques tâches toutes simples : 1) Déterminez où pousse le sénéca dans votre région.  

L’endroit choisi peut être aussi petit ou aussi grand que vous voulez. Il faut établir une carte de chaque zone pour que l’on puisse prendre des mesures de précaution si les peuplements de sénéca sont menacés. Soyez aussi imaginatifs que vous le voulez pour choisir l’endroit et décider de la façon dont vous communiquerez vos renseignements.

2) Surveillez l’endroit choisi.

En plus de la perte d’habitat causée par l’exploitation agricole, la récolte à tort et à travers s’est avérée l’un des facteurs majeurs de la diminution des peuplements de sénéca. À votre discrétion, contactez les gens qui récoltent le sénéca ou qui perturbent son habitat et informez-les du fait que cette plante sauvage en péril fait partie de notre histoire et que nous devons la préserver pour le bien des prochaines générations.

3) Parlez aux habitants locaux et aux aînés de leurs souvenirs au sujet du sénéca.

Souvent, ces personnes détiennent de précieux renseignements anecdotiques sur les anciens peuplements et sur les peuplements actuels de sénéca. Expliquez-leur que leurs récits ne seront utilisés que pour aider à préserver la plante. Selon nos membres, la plupart des gens sont prêts à partager leurs expériences et même à former leur propre groupe SWAP. Dans la mesure du possible, nous demandons que le nom de la personne interviewée soit enregistré pour que la documentation sur la vulnérabilité du sénéca soit aussi complète que possible.

SOS s’occupera du travail de coordination et communiquera les renseignements ainsi recueillis aux autres groupes SWAP pour que le sénéca puisse encore faire partie de notre environnement.


KEANE, Kahlee and HOWARTH, Dave. Extrait de Field Guide of Medicinal Plants for the Prairie Provinces: The Standing People, Saskatoon: The Root Woman & Dave and Save Our Species, 2003.